Description
En outre, c’est un chemin aisément praticable, qui n’exige pas que les participants soient de grands sportifs ; c’est une des principales routes de l’histoire européenne, et qui permet la découverte de chefs d’œuvre culturels (dont le portail roman de l’abbaye de Conques, terme du voyage).
Elle permet une immersion dans la nature de personnes qui en sont privées depuis longtemps. Ce contact favorise une ressaisie de soi-même. C’est un itinéraire touristique aujourd’hui largement fréquenté. Il en résulte une certaine valorisation (mettre ses pas dans ceux de tout le monde ; raconter ensuite aux familles un évènement que celles-ci pourront se représenter plus aisément que la vie carcérale).
De tout temps, ce chemin a été considéré par les hommes, qu’ils soient croyants ou non croyants, comme ayant à voir avec la question de la peine et de la justice. Il est la matérialisation d’un sens donné à la peine. Il s’agit de la première portion d’un des chemins de St Jacques. Le reste de la route pourrait un jour être effectué par leurs propres moyens avec leurs proches par les personnes anciennement détenues. Certains qui ont participé aux aventures précédentes en gardent le projet aujourd’hui.
Le choix a volontairement été de privilégier la durée pour ce projet (10 jours de marche) pour expérimenter vraiment ce que permet ce chemin, et sans voiture accompagnatrice. Nous n’avons que nos propres moyens et ce que nous portons pour rallier Conques depuis Le Puy. Cette fragilité (le contrat est que si l’un des marcheurs abandonne, tout le monde rentre à la prison) s’est avérée aussi une force l’an dernier : chacun est allé au bout de lui-même en endurance et en courage, une forte solidarité en est résulté dans le groupe.
C’est l’intuition que l’expérience d’une vie commune conviviale et solidaire, y compris dans l’effort, est de nature à éclairer tout homme quant à la juste manière de se rapporter aux autres, pendant ce type d’expérience, et au-delà.
Il s’agit d’offrir à des personnes détenues l’occasion de découvrir ou de retrouver des aptitudes inhibées par la vie carcérale et pourtant nécessaires pour donner du sens à la peine et préparer un projet de sortie.
« Je n’aurai plus peur de sortir après cette expérience » disait la première année un participant dont la Conseillère Pénitentiaire d’Insertion et de Probation constatait avec étonnement le changement à son retour. L’accent sera donc mis sur le vivre ensemble. La simplicité du dispositif vise à susciter l’entraide et une attention est portée à ce que chacun se sente investi de la responsabilité de l’ensemble du groupe (quant à la fatigue de l’un ou de l’autre, quant à la vaisselle, etc.).
Les onze candidats à la permission de sortie préparatoire ont été sélectionnés parmi les détenus dont la situation pénale est compatible avec le projet : aménageables, pas encore sortis ni transférés sur un autre établissement. 6 partiront retenus par le juge d’application des peines. Quant aux accompagnants, ce sont des aumôniers et depuis l’an dernier, un détenu ayant fait la marche en 2018 et qui est maintenant accompagnateur, beau fruit imprévu de cette aventure. Une diversité des âges permet de varier les approches et les discussions. Les temps de repos une fois arrivé au gîte sont l’occasion de temps de partage, de relecture, d’approfondissement spirituel en respectant le point où chacun en est, de visite du patrimoine. Le partenariat avec le Secours Catholique peut permettre un accompagnement à la sortie des personnes qui ont fait la marche.
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La participation active antérieure aux activités de l’aumônerie n’est pas un critère exclusif de sélection. L’existence de contact avec un(e) aumônier(e) participant à la marche est cependant nécessaire, mais les aumôniers visitent beaucoup de détenus qui ne participent pas au culte ni aux activités de l’aumônerie. Le nombre de participants prévu est de cinq cette année avec autant d’accompagnateurs que de personnes détenues. Un trop grand nombre serait difficile à gérer et rendrait plus difficile l’affranchissement des habitudes carcérales, notamment quant aux sujets de conversation qui tournent alors autour de la prison, et quant à l’adoption par chacun d’une posture défensive qui interdit toute authenticité dans les échanges. Inversement, un nombre trop faible prive le projet de sa dynamique communautaire et le réduirait à une promenade touristique. Les gîtes sont d’ores et déjà réservés pour douze personnes.
L’intérêt de ce projet est de mobiliser les participants et d’éviter autant que faire se peut de les placer en position de « consommateurs ». Aussi une attention particulière sera portée à la préparation en amont.
Une première sortie d’une journée à proximité de l’établissement s’avère une préparation utile et un bon test du groupe. Chaque année, un livre est réalisé pour les participants avec des photos et le récit de ce que nous avons vécu à partir des éléments partagés chaque soir au débriefing. Au quotidien, un blog est alimenté pour permettre à celles et ceux qui nous soutiennent et aux familles des marcheurs de suive notre aventure, vous y trouverez le récit des années précédentes. En 2019, un documentaire a été réalisé sur notre périple.
En bref, il s’agit de proposer à des personnes détenues souvent gagnées par une certaine apathie, un séjour axé sur la simplicité, la convivialité et l’intériorité, afin de leur permettre de se ressaisir physiquement et psychologiquement pour trouver un nouvel élan ensuite dans l’exécution de leur peine. Marcher c’est forcément ouvrir un espace intérieur pour aller de l’avant. Le pari est que cette expérience décalée par rapport à la détention contribue à donner un sens à ce qu’il reste à vivre d’incarcération et ouvre un avenir. L'expérience des années précédentes s'est avérée une réussite à cet égard au-delà de ce que nous aurions imaginé.
Pour terminer, voici quelques paroles glanées l’an dernier au débriefing final le lendemain de l’arrivée à Conques :
« Ça a été une retrouvaille avec moi-même… J’avais perdu confiance en moi et en marchant j’ai trouvé cette sérénité qui me manquait… Je dois t’avouer que j’ai très souvent des souvenirs de la marche qui me reviennent. Et cela me donne même de la nostalgie car avec le recul, ce fut pour l’essentiel des moments inoubliables de sincérité et de plaisir. »
« Les moments où j’étais seul m’ont aidé à me remettre en question, niveau physique, envers le groupe, écouter les consignes, ne pas fumer de joint, être bienveillant envers les autres. Maintenant, je sais que la vie est très dure si on ne sait pas la diriger dans la bonne direction. Certes, j’ai un peu souffert je l’avoue mais ça en valait la peine. »
« Depuis cette marche, le chemin est devenu ma colonne vertébrale, les événements m’y sont ramenés sans cesse, sans même que je les cherche. les souvenirs se magnifieront avec le temps et pourront m’aider à essayer de faire plus d’efforts. Car je ne pensais pas y arriver avec tous mes problèmes d’addiction et la souffrance physique et mentale… Ça m’a apporté l’envie de changer, de prendre un nouveau départ. »
« Je suis capable d’un avenir bien meilleur, à moi de bien jouer les cartes qu’il me reste. »